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La pile à combustible
par Michel APPOURCHAUX



Le principe C’est en 1839 que le britannique William Grove découvre accidentellement le principe de la pile à combustible en travaillant sur l’électrolyse de l’eau. On sait qu’en faisant passer entre deux électrodes un courant électrique continu dans de l’eau légèrement acidulée pour la rendre conductrice, on décompose cette eau en les deux éléments constitutifs de sa molécule : l’hydrogène et l’oxygène. On réalise ainsi ce qu’on appelle une électrolyse. William Grove a montré que ce processus pouvait se comporter de façon réversible, et qu’un courant électrique pouvait être produit en injectant de l’hydrogène et de l’oxygène faisant ainsi la synthèse de l’eau.

Devant le manque de performances et le développement de technologies concurrentes ( les accumulateurs), la pile à combustible fut mise en sommeil jusque vers 1930 quand les travaux du britannique F.T. Bacon lui permirent de gagner en performances et en crédibilité. Mais le véritable démarrage date du début des années 1960 lorsque la société américaine Général Electric construisit une pile à combustible de 1 kilowatt électrique (1kWe) destinée au programme spatial américain Gemini. Sept vaisseaux spatiaux Gemini furent ainsi équipés de chacun deux modules de 1 kWe. Cette technologie a été conservée lors des vols spatiaux ultérieurs.

Le principe de fonctionnement est très simple : il s’agit d’une combustion électrochimique et contrôlée d’hydrogène et d’oxygène avec production simultanée d"électricité, d’eau et de chaleur, selon la réaction chimique bien connue : H2 + ½ 02 = H20

Plusieurs procédés chimiques permettent de réaliser cette réaction globale selon la nature de l’électrolyte placé entre les deux électrodes. La pile la plus répandue est la PEMFC ( Proton Exchange Membrane Fuel Cell) parce qu’elle fonctionne à basse température et parce qu’elle utilise un électrolyte solide. Le fonctionnement est le suivant : ( voir la figure jointe )
-  au niveau de l’anode, l’hydrogène subit une oxydation en présence d’un catalyseur ( platine) selon la réaction : H2 → 2H+ + 2 e ─
-  au niveau de la cathode l’oxygène est réduit en présence du même catalyseur et des protons issus de l’oxydation de l’hydrogène et ayant traversé l’électrode suivant la réaction : ½O2 + 2H+ +2 e ─ → H20

Descriptif

Les électrons issus de la première réaction sont collectés sur l’anode et réinjectés à la cathode après avoir alimenté la charge électrique. Les électrodes sont séparées par un électrolyte, conducteur pour les protons et non conducteur pour les électrons. La chaleur produite lors de ces deux réactions doit être évacuée vers l’extérieur. Les performances électriques d’une cellule sont de l’ordre de 0,6 ampère par centimètre carré sous 0,7 volt. En ce point de fonctionnement le rendement brut réel est de l’ordre de 55 % . Pour réaliser une source d’énergie on assemble en série électrique le nombre voulu de cellules.

Il convient de préciser que la pile à combustible proprement dite ne représente qu’une partie d’un générateur électrique à pile à combustible : grossièrement le tiers en termes de masse, de volume et de coût. Le reste est constitué des périphériques nécessaires, que ce soit le réservoir ou le générateur d’hydrogène - lorsque la pile n’est pas alimentée directement par ce combustible - le dispositif d’humidification du gaz apporté à la cathode pour que l’électrolyte de la pile puisse remplir correctement son rôle de transfert de protons, le système de refroidissement, le système de contrôle-commande, le compresseur d’air, le convertisseur de courant - la pile fournit normalement du courant continu - et de nombreux autres périphériques composants et capteurs.

Tous ces sous-systèmes sont étudiés depuis plus d’une dizaine d’années. Ils ont aujourd’hui atteint un niveau de développement technique qui permet des démonstrations en niveau réel, mais de nombreux développements doivent encore être menés pour atteindre les objectifs économiques leur permettant d’entrer dans je marché concurrentiel.

On estime aujourd’hui qu’il est nécessaire que le prix de revient actuel en soit divisé par 10 pour les applications à longue durée de vie de l’ordre de 50 000 heures ( installations fixes et transports publics ) et par 100 pour les applications de masse à faible durée de vie -(véhicules automobiles particuliers) Ce gain ne pourra être atteint qu’en partie par l’effet de série et nécessite encore de grandes avancées technologiques au niveau des sous-systèmes (stockage du combustible hydrogène, humidification, compresseur, convertisseur...) mais également au niveau des composants de la pile à combustible elle-même. Compte tenu des résultats actuels en laboratoire on peut estimer qu’une dizaine d’années au moins est encore nécessaire pour atteindre les objectifs les plus contraignants. Les domaines d’application sont très nombreux. C’est certainement dans le domaine des transports que l’application des piles à combustible est la plus attendue. En ce qui concerne les transports publics, les prototypes actuels sont proches d’une commercialisation. Pour les véhicules particuliers, de nombreuses démonstrations ont déjà été organisées (il y a près de 100 prototypes fabriqués) mais les piles ne présenteront pas un coût acceptable avant une dizaine d’années au mieux.

Production et mise à disposition de l’hydrogène

Néanmoins il ne faut pas regarder l’hydrogène uniquement du côté de son utilisation où, selon certains, il représenterait la solution miracle pour un avenir relativement proche, car cette vue partielle revient à occulter une grande partie des problèmes. Il faut aussi penser à sa production et à sa mise à disposition du grand public.

Il y a pléthore d’hydrogène sur notre planète, mais on pourrait en dire autant du carbone qu’on trouve partout, y compris dans l’atmosphère. Le problème tient au fait que l’hydrogène se trouve partout dans la nature sous forme d’oxyde (H20) l’eau qui nous entoure, ou d’hydrocarbures qui contiennent du carbone, de l’hydrogène et plus ou moins d’oxygène. Pour obtenir l’hydrogène, il faut donc casser les molécules. Et cette opération de séparation de l’hydrogène de l’eau ou des hydrocarbures nécessite beaucoup d’énergie. Si l’on part d’un hydrocarbure, le méthane CH4 par exemple, on obtient de l’hydrogène (par réaction dans un "réformeur" qui peut être embarqué dans une automobile) avec un rendement de l’ordre de 60 %. On consomme alors une ressource fossile qui n’est pas inépuisable, et d’autre part, la réaction dégage du gaz carbonique qu’on voudrait bien éviter d’émettre dans l’atmosphère. Dans ce procédé, il faut dépenser 5 kWh de chaleur pour obtenir 1m3 d’hydrogène à son tour susceptible de fournir 3 kWh de chaleur par combustion ou 1,8 kWh d’électricité dans une pile à combustible. Le rendement de production d’électricité ne dépasse-donc pas 36 %.

On peut aussi partir de l’eau. Deux méthodes se présentent :

-  Le plus simple est de la décomposer par électrolyse pour séparer l’hydrogène de l’oxygène. Mais il faut aujourd’hui environ 5 kWh d’électricité pour obtenir 1m3 d’hydrogène. La production d’électricité entraîne à son tour des pertes. Si l’électricité est d’origine fossile (centrales à charbon, au mazout ou au gaz ) on peut la produire avec un rendement de 35 à 50 %. La dépense totale d’énergie pour produire 1m3 d’hydrogène atteint donc 10 kWh dans le meilleur des cas et le rendement de l’électricité produite finalement par la pile à combustible est de 18 % .

Si l’électricité est d’origine nucléaire, le rendement est encore plus faible : 12 %, puisque l’électricité est produite dans nos réacteurs actuels avec un rendement de 33 %. Par contre, pas d’émissions de gaz à effet de serre mais les risques spécifiques du nucléaire.

Si l’électricité produite est d’origine renouvelable (hydraulique, éolienne,...) il n’y a pas d’émission de gaz à effet de serre, mais reste le problème du rendement global lié à la dispersion et à l’intermittence de certaines de ces sources (solaire, éolien ) facteurs, dont les procédés actuels d’électrolyse s’accommodent mal, dans l’état actuel de nos connaissances techniques.

-  L’autre solution imaginée est de décomposer la molécule d’eau par apport de chaleur à haute température. On espère en effet, à condition de mettre au point industriellement les réactions et les catalyseurs adaptés, pouvoir décomposer l’eau à des températures de l’ordre de 800°C, avec un rendement de l’ordre de 50 %. Ce serait un progrès important puisqu’on n’aurait plus besoin de passer par l’électricité, et on se rapprocherait du rendement global de la filière "hydrocarbures".

Mais comment produire cette chaleur sans faire brûler de combustibles fossiles. On peut brûler du bois, utiliser un four solaire à concentration ou un réacteur nucléaire à très haute température, mais les réacteurs en question ne sont encore qu’à l’état de projet et il n’existe pas à ce jour de démonstration d’une production industrielle d’hydrogène à 800°

Enfin, quelle que soit la méthode pour décomposer l’eau, il ne peut être question d’effectuer l’opération à bord d’un véhicule. L’opération se fera donc dans des installations fixes à partie des quelles il faudra transporter et distribuer l’hydrogène aux usagers. Reste aussi à trouver des solutions de stockage, au niveau des véhicules et des habitations, de quantités d’hydrogène compatibles avec l’autonomie recherchée. Pour le transport, l’industrie a déjà l’expérience de transport d’hydrogène. Pour le stockage, en particulier à bord des automobiles la solution est moins évidente. On peut stocker l’hydrogène sous pression à plusieurs centaines de bars, le liquéfier, ou tenter d’utiliser des matériaux très adsorbants capables d’emmagasiner de grandes quantités d’hydrogène à la pression atmosphérique., solutions encore à l’état de projet.

En résumé :

-  la pile à combustible fait partie des technologies qui peuvent dans les décennies qui viennent contribuer à améliorer les performances de consommation et d’émission des voitures et des systèmes de production de chaleur et d’électricité

-  il n’est cependant pas raisonnable d’envisager pour les 60 ou 80 années à venir l’avènement de la "civilisation hydrogène".

Deux projets :

-  Le projet "Islande" : L’Islande est le premier pays au monde à avoir décidé d’abandonner les énergies fossiles et de bâtir une économie entièrement fondée sur l’hydrogène., à la fois sur terre et sur mer pour sa flottille de bateaux de pêche ( 12 000 bâtiments) avec un objectif de pollution "zéro" pour 2030. Sa mise en œuvre a débuté par une première phase d’un coût de 50 millions d’euros dont l’objectif est le remplacement de cent bus du service municipal de transport de Reykjavik par des bus à hydrogène et à pile à combustible.

-  Le projet européen "CUTE" Il a été décidé au printemps 2001 et inscrit dans le cinquième programme-cadre de la Commission européenne qui en finance 30 %. Vingt-sept bus, mis en service à partir de la fin de l’année 2002, effectueront des liaisons régulières dans neuf villes européennes : Amsterdam, Barcelone, Madrid, Hambourg, Londres ; Luxembourg, Porto, Stockholm et Stuttgart. Ces véhicules pouvant transporter soixante-dix passagers sont alimentés par des piles à combustible. La Pile a une puissance de 200 kWe et est alimentée par un réservoir d’hydrogène sous pression de 350 bars monté sur le toit et assurant une autonomie de 200 à 250 km. Le coût de chaque bus est de 1025 million d’euros, soit cinq fois le prix d’un bus classique.

Sources :

-  Encyclopedia Universalis . La Science au présent 2003. "Les piles à combustible" par Thierry Alleau.

-  Les cahiers de "Global Chance" n°20 février 2005. "La civilisation Hydrogène . mythe ou réalité " par Benjamin Dessus.



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